Organisation Mondiale du Commerce

Le développement au point mort dans les négociations sous l’égide de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Le mandat initial des discussions de Doha indiquait que les « besoins et les intérêts » des pays en développement seraient « au cœur » des négociations. Mais en réalité, les principaux intérêts des pays en développement ont été laissés de côté et il est désormais évident que les négociations ne tournent plus qu’autour de l’accès des pays riches aux marchés, ce qui leur permettrait de relancer leurs économies après la récente crise financière. Des études récentes révèlent que tout accord éventuel fera gagner aux pays riches 25 fois plus par tête d’habitant que les pays en développement. Ceux-ci pourraient gagner un centime par personne par jour. Cela constituerait un gain ponctuel résultant d’une augmentation du commerce mondial, mais il faudrait en même temps les mettre en parallèle avec une baisse des recettes douanières et la détérioration des termes de l’échange. Les négociations de Doha ne pourront donc pas déboucher sur une augmentation importante du bien-être comme les pays en développement l’avaient espéré.

Au niveau mondial, nous traversons actuellement des crises dont l’ampleur et les conséquences sont sans précédent, dans les secteurs financier, alimentaire et climatique. Les négociations de Doha sont en même temps présentées comme la solution à ces problèmes. En réalité, ces négociations ne feront qu’exacerber ces crises. L’OMC ne peut proposer que davantage de libéralisation et de déréglementation, solutions qui ont conduit à la débâcle des marchés financiers et le modèle économique qu’elle préconise ne tient pas compte des coûts pour l’environnement et selon ce modèle, la nourriture est considérée comme rien de plus qu’un produit commercial, plutôt qu’un droit humain élémentaire. Les crises financières, alimentaires et climatiques ont eu des conséquences disproportionnées pour les pauvres et surtout pour les femmes qui produisent plus de 80% de toute la nourriture produite dans le monde. Ce sont les pays riches qui ont failli au mandat de développement de Doha et qui menacent le système d’échanges multilatéraux en imposant des obligations inéquitables aux pays en développement.

L’OMC avait été créée avec le noble objectif de faire en sorte que :

«… les rapports dans le domaine commercial et économique [soient] orientés vers le relèvement des niveaux de vie [et] la réalisation du plein emploi…tout en permettant l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable » (Accord de Marrakech Instituant l’Organisation Mondiale du Commerce, 1994)

Les membres de l’OMC n’ont pas démontré un véritable engagement en faveur de ces objectifs. Le développement a disparu du paysage. ACORD appelle les membres de l’OMC à prendre des mesures audacieuses et à revenir à la case départ pour instaurer un système commercial mondial orienté vers le bien-être de la majorité de la population de la planète plutôt que le profit de quelques-uns.

le coton

En 2003, quatre pays d’Afrique de l’Ouest, à savoir le Mali, le Tchad, le Bénin et le Burkina Faso (Le C4), ont soulevé le problème du coton et en ont fait une question particulière dans le cadre des négociations de Doha. Les préoccupations de ces pays concernaient les subventions dont bénéficie le coton aux États-Unis et en Europe et les conséquences néfastes de celles-ci pour les économies des pays africains ainsi que la nécessité de compensations et la suppression à terme de ces subventions. En 2004, le Conseil Général de l’OMC a lancé un appel pour que la question du coton soit résolue de façon audacieuse, spécifique et rapide. Six ans plus tard, peu de résultats tangibles ont été obtenus, du fait que les États-Unis ont traîné les pieds à chaque occasion.

Les pays africains, - en particulier ceux du C4 - continuent à tenir tête, en vue d’obtenir le meilleur accord possible sur le coton. Les propositions initiales et celles du groupe africain prônaient l’élimination rapide des subventions. L’issue de la Conférence Ministérielle de l’OMC tenue à Hong Kong en 2005 a réduit tous ces efforts à néant. Dans la déclaration de clôture, qui se voulait positive, il était question d’éliminer toutes les formes de subventions en faveur du coton durant l’année 2006. À première vue, il s’agit là d’un pas positif, mais le vrai problème n’étant pas les aides à l’exportation mais les subventions intérieures, la déclaration a été vidée de son sens. En dehors de celle-ci, il n’y a eu que des propositions assez vagues tendant à ce que les réductions des subventions en faveur du coton soient plus « ambitieuses » que celles des autres produits agricoles. Les tentatives du groupe africain en vue d’obtenir des résultats plus tangibles se sont heurtées à l’opposition des États-Unis.

Dans le cadre de l’Organe de règlement des différends de l’OMC, le Brésil a porté plainte contre les subventions accordées par les États-Unis au secteur du coton. Cela aurait dû être une bonne nouvelle pour le C4 et c’en était une, en partie seulement. La décision rendue a donné raison au Brésil en indiquant que lesdites subventions faussent les règles du commerce international et enjoignait aux États-Unis d’y mettre fin. Pendant une longue période, les États-Unis ont fait la sourde oreille, jusqu’au jour où le Brésil a obtenu de l’OMC l’autorisation de réclamer des compensations aux États-Unis pour le préjudice subi du fait de la concurrence déloyale du coton américain. Face à cette menace, les États-Unis ont conclu un accord avec le Brésil et c’est là la mauvaise nouvelle pour l’Afrique. Selon ce compromis, les États-Unis paieront au Brésil 147,3 millions de dollars par an jusqu’en 2012, sous forme de “fonds d’assistance technique” en faveur des producteurs brésiliens, pendant que les négociations continuent entre les deux pays. Or, la loi sur les subventions agricoles (US Farm Bill), qui détermine les subventions accordées aux agriculteurs devra être renouvelée en 2012, ce qui laisse entendre que d’ici là, les deux pays seront parvenus à un accord. Cela signifie que les États-Unis continueront d’accorder des subventions non seulement à ses agriculteurs, mais également aux agriculteurs brésiliens ! Les agriculteurs africains sont donc les laissés-pour- compte.

En principe, les pays du C4 pourraient eux aussi porter l’affaire devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC, mais il est évident que les États-Unis ne font aucun cas des décisions de cet organe. Ce n’est que sous la menace de sanctions que les Etats-Unis ont été obligés de réagir, et même dans ce cas, uniquement du fait que le Brésil est une économie suffisamment puissante pour causer du tort aux États-Unis en cas de sanctions. Si l’un des pays du C4 décidait d’imposer les mêmes sanctions, l’économie des États-Unis s’en ressentirait à peine.

  • omc